Podcast et audio : les marques s’échauffent la voix

En 2018, 4 millions d’individus ont écouté au moins un podcast par mois selon Médiamétrie. Contraction d’Ipod et broadcast (diffusion), le podcast est en pleine effervescence. Les magazines consacrent depuis plusieurs mois nombre de leurs articles aux structures médiatiques et marketing émergentes spécialisées dans ce format qui semble prendre un nouveau tournant pour répondre à de nouvelles problématiques. Mais quelles sont-elles ? Pourquoi le podcast s’impose t-il de plus en plus comme un type de contenu incontournable ? Et que sous-entend-il en termes de rapport aux consommateurs ?

 

Une brève histoire du son

Lancé en 2005 par Steve Jobs, le podcast avait, au départ, bien du mal à séduire. Trop spécialisé, réservé aux initiés… La raison d’être du podcast a pendant une petite dizaine d’années battu de l’aile au point que certains prédisaient sa mise à mort prochaine. Revirement de situation en 2014 : Sarah Koenig lance une « série radiophonique » d’investigation, Serial, un grand succès qui comptabilise pas moins de 5 millions de téléchargements par épisode. Si le blason du podcast aux Etats-Unis est vite redoré, en France le succès est au départ plus modéré mais bel et bien progressif. Si les radios et notamment Arte Radio ont montré la voie, diverses plateformes se sont spécialisées vers 2017 dans la production de podcast natifs comme Binge ou encore Transfert (contenus conçus et diffusés uniquement en ligne, par opposition aux podcasts de «réécoute»).

 

 

Du côté des marques, la montée du podcast n’a pas mis longtemps à convaincre. Si les Maisons de Luxe comme Chanel avec Chanel at Colette, Gemmyo avec Chalalove ou encore Hermes avec Le Faubourg des rêves sont les plus nombreuses à avoir surfé sur la croissance de ce format, Sephora, Quezac ou encore Microsoft ont également fait le pari du podcast pour diversifier leurs typologies de contenus mais surtout pour alimenter leur storytelling en racontant de manière originale leur histoire ou une histoire autour de leur marque.

 

Le prince podcast au royaume de l’ouïe

Le podcast est en réalité loin d’être un format particulier et isolé dans son usage et ses caractéristiques. Si les sons et le vocal pourraient certainement devenir un terrain central pour les acteurs mercantiles ou médiatiques, la vague audio semble bel et bien conquérir l’ensemble des domaines, tant dans le monde marchand que culturel. Côté séries, Canal + a expérimenté en 2017 un tout nouveau genre en produisant Calls, une série de 10 épisodes par saison contant de courtes histoires de 10 à 15mn. Leurs particularités ? Ces épisodes sont entièrement sonores, sans aucune image pour illustrer les évènements tragiques et particulièrement angoissants présentés.

 

Dans un tout autre registre, personne n’a pu passer à côté de l’émergence d’une tendance vidéo un peu particulière, l’ASMR (Autonomy Sensory Medium Response), « réponse automatique des méridiens sensoriels » ou « réponse sensorielle autonome culminante ». Le principe de ces vidéos est d’enregistrer des sons divers, des bruits corporels ou encore des chuchotements, proche d’un micro pendant plusieurs minutes. Utilisée contre les troubles de l’angoisse et du sommeil, voire la dépression, l’ASMR aurait des vertus thérapeutiques, se traduisant par une forme d’orgasme dit « cérébral » ou encore « auditif ». Et bien que l’ASRM puisse en rendre perplexe plus d’un, le nombre de visionnages de ces vidéos a connu une croissance exponentielle de 300% entre 2016 et 2018 selon Youtube, principale plateformes pour leurs visionnages.

Un son vaut mille images

Mais pourquoi un tel engouement autour du son ? « Sans images, tout devient plus grand, tout devient personnel, tout s’inscrit dans votre esprit et votre créativité. Vous participez à l’histoire. Vous êtes le metteur en scène » nous explique Canal + pour justifier la sortie de Calls. L’absence d’éléments textuels ou imagés laissent en effet bien plus de place à l’imagination car la sollicitation d’un seul sens conduit nécessairement à la stimulation d’un ou plusieurs autres.

Les formats sonores font partie de ce que Marshall Mc Luhan, théoricien de la communication et des médias nomme « les médias chauds » c’est à dire des médias encourageant la participation car fournissant peu d’informations en faisant appel à un seul des 5 sens. Capitaliser sur un seul sens est une réelle aubaine pour les marques car les médias chauds favorisent la concentration intellectuelle et la mémorisation. Les référents communs sont brouillés et les auditeurs/consommateurs font appel à leurs propres images, expériences, sensations ; ils co-créent l’histoire, la façonnent ou l’étayent de manière inédite en fonction de leurs propres cadres de pensées. Les images sont exclusivement mentales et peuvent venir contrebalancer la sensation de sur-sollicitation publicitaire bien souvent dénoncée par les consommateurs.

 

Pour résumer, faire le choix du podcast ou se positionner de manière générale sur l’audio a de nombreux avantages : il implique le consommateur, favorise la mémorisation des messages, répond aux problématiques de mobilité des consommateurs, alimente autrement le storytelling et se présente comme un contenu moins invasif grâce à un brand content inédit

 

Mais qu’est-ce qui résonne en ce moment ?

 Niveau médias sociaux, l’heure est également au développement et à l’intégration de fonctionnalités audio. Fin 2018, Twitter a lancé un nouveau format de diffusion audio en direct pour le moment uniquement disponible via l’application IOS ou Periscope. Idem pour Facebook qui vient d’inaugurer une nouvelle fonctionnalité, pour le moment uniquement disponible en Inde : Voice Post, un format uniquement sonore. Côté Google, pour pallier le manque d’applications dédiées aux podcasts sur Android, le géant a sorti il y a quelques semaines sa propre application.

 

Pour ce qui est de la publicité, le marché de l’audio digital a augmenté de 15% selon Kantar Media. Si les mesures d’efficacité restent encore complexes, l’insertion de publicité en pre-roll, sponsoring ou brand content favorisent la mémorisation d’environ 4,4% et l’intention d’achat de 10%. C’est aussi et surtout dans le ciblage particulièrement précis des auditeurs que réside l’intérêt d’investir dans l’audio digital.

 

Le podcast comme media de l’intime et l’ouïe comme sens de l’imaginaire semblerait bien être devenu LES leviers sur lesquels capitaliser.

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