A nouveau consommateur, nouveau marketing !

Un nouvel acteur a émergé dans l’univers de la consommation : le conso’battant. Pratiquant une consommation active, il recherche les informations qui lui permettront de prendre des décisions d’achat éclairées. Par son comportement, il est à l’origine de bien des changements récents dans le secteur de la distribution.

« A nouveaux consommateurs, nouveau marketing » est un livre collectif qui sera disponible d’ici quelques jours.

Il a pour ambition de faire mieux connaître qui sont ces consommateurs qui aspirent à « consommer mieux » et comment les marques peuvent-elle mettre en place un dialogue fructueux avec le conso’battant ?

Philippe Jourdan, François Laurent et Jean-Claude Pacitto ont coordonné cet ouvrage.

François Laurent a eu la gentillesse de répondre à ces quelques questions :

Avec la notion de consom’acteur, le consommateur est passé au statut d’acteur, conscient que ses choix de consommation pouvaient influencer plus ou moins le monde dans lequel il vit. Avec celui de « conso’battant », vous le faites passer au statut de combattant, n’y a t-il pas là un peu de surenchère ?

Après avoir été le reflet d’un certain militantisme, le consom’acteur s’est mué en un simple gadget publicitaire où l’on voulait faire croire à des clients un peu trop crédules qu’ils allaient redevenir maître de leur consommation simplement en pouvant choisir la couleur de la carrosserie de leur voiture, et éventuellement celle de la sellerie intérieure !

C’est pourquoi, quand Internet a permis aux consommateurs de récupérer une partie de leur pouvoir perdu et de dialoguer d’égal à égal avec les marques et les distributeurs, j’ai forgé l’expression d’Empowered Consumer.

Aujourd’hui, la crise est passée par là … ou plutôt elle atteint des niveaux de violence inégalés, parce que cela fait plus d’un ¼ de siècle qu’elle dure, cette crise ! Dès lors, l’Empowered Consumer lui aussi a radicalisé son comportement : c’est un peu une question de survie ; il est devenu Conso’battant.

Comparer le consom’acteur d’hier au Conso’battant d’aujourd’hui, c’est un peu comparer les Bisounours et les grèves de 1936 : on passe de l’image d’Epinal à un quotidien un peu plus rude, et ce ne sont pas les mots-valises des publicitaires qui résoudront la crise sociétale que nous traversons.

Avec Internet, le consommateur peut facilement comparer les prix et obtenir l’avis d’autres consommateurs. Cela l’aide à s’organiser dans ses choix. Mais au bout du compte, nous continuons tous à consommer des téléviseurs, des bagnoles et des fringues… Votre vision d’un nouveau consommateur intelligent n’est-elle pas un peu idyllique ?

Oui … et non ! Une société comme la nôtre ne change pas en quelques mois, d’autant que la mondialisation fige bien des réalités : beaucoup de prix sont faussés parce que n’intégrant pas le réel coût des transports (avec les catastrophes écologiques à la clef) ; les états ne peuvent lutter contre la spéculation parce que les véritables pouvoirs sont « ailleurs » – mais difficile de dire où.

Pourtant, quand certains citoyens commencent à renoncer à posséder une voiture pour libérer du pouvoir d’achat discrétionnaire (= échapper à de ruineuses dépenses contraintes), c’est toute l’industrie de l’automobile qui doit repenser son modèle.

Sans tomber dans la géopolitique sauvage, remarquons que le Conso’battant naît en même temps que le mouvement des « Indignés » : il n’est qu’une des multiples stratégies d’adaptation de consommateurs qui souffrent et se débattent.

« A nouveau consommateur, nouveau marketing », cela signifie t-il que nous devons uniquement changer de marketing mais que finalement les produits et services restent les mêmes ?

Si l’on considère que le marketing, c’est ce qui donne du sens aux produits et services, on ne peut changer de marketing sans changer ipso facto les produits et services.

So what ? Peut-être des produits dont l’obsolescence n’est plus programmée à leur conception, des produits évolutifs, ou adaptés à une économie circulaire. Bien sûr, une machine à laver restera une machine à laver … mais ce n’est pas la même chose, une machine à laver dans sa salle de bain, et une machine à laver dans la buanderie collective d’un immeuble intelligent.

Quel mal ya-t-il à souhaiter disposer d’un téléviseur à la maison ? Mais on peut imaginer autre chose qu’un appareil devenu obsolète au bout de deux ans parce que l’on est passé de la TH HD à la TV 3D : ou peut imaginer des systèmes de mise à jour.

La grande distribution a-t-elle un avenir ?

Dans son concept gigantisme + parking, son avenir risque de se réduire comme peau de chagrin, il suffit de voir la percée des hard discounters : mais Lidl, Franprix, ce n’est pas de la grande distribution, organisée autrement ?

Ce qui est clair, c’est que de plus en plus de gens se détournent des hypermarchés simplement « parce qu’il y a trop de choses, on est trop tenté » : contrairement au proverbe, abondance de biens peut fortement nuire ! Cela veut dire quoi ? Que la distribution des produits est à réinventer, avec une part grandissante du commerce en ligne … mais aussi la fin de la possession de certains produits : la musique aujourd’hui s’écoute en streaming, elle ne s’achète plus à la Fnac ou chez Carrefour.

La crise actuelle ne va pas forcément contribuer à la réconciliation « marques – conso’battant », comment les marques doivent-elles agir ?

En arrêtant de prendre les consommateurs comme des portefeuilles un peu attardés ! Quand je vois des marques payer – cher – pour ajouter sur leurs publicités « élu produit de l’année », ça me fait rire : tout le monde sait que ce genre de gadget ne rime plus à rien. Bien sûr, ça peut dynamiser les ventes à court terme … mais on construit plus une marque là-dessus. Il faut que les marques s’engagent dans un dialogue durable et responsable avec leurs clients. A la limite, la période actuelles est on ne peut plus favorable pour les marques qui sauront s’adresser au Conso’battant : elles pourront prendre une sacrée avance sur leurs compétiteurs !

Encore trois mots pour nous donner aux conso’battants l’envie irrésistible d’acheter votre ouvrage ?

Ce n’est vraiment pas le moment de rater la révolution qui avance !

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