Interview d’Isabelle Cambreleng, community manager chez La Poste

Etant un véritable fan de Twitter, je l’utilise régulièrement, aussi bien de manière professionnelle que personnelle.  Une des raisons pour lesquelles j’apprécie cet outil de communication, outre sa simplicité, est son efficacité pour tout ce qui porte au service client et à la réclamation client. C’est dans ce cadre là, que j’ai fait connaissance de @lisalaposte avec qui j’ai échangé de nombreuses fois suite à un problème de colis retourné. Elle m’a été d’une grande aide, et j’ai donc voulu en connaître un peu plus sur le travail d’une community manager au sein de La Poste.

Interview de lisalaposte, community manager chez la Poste

Alexis : Bonjour Lisa ! Peux-tu te présenter en quelques mots, et peut-être nous dévoiler qui se cache derrière @Lisalaposte ?

Isabelle : Je m’appelle Isabelle Cambreleng et je suis chargée des médias numériques à la direction de la Communication du groupe La Poste. @lisalaposte, c’est moi ;-). Pourquoi @lisalaposte ?  c’est très simple. Quand nous réfléchissions, il y a un an à notre présence sur Twitter, l’idée de Lisalaposte est venue naturellement  puisque Lisa, c’est aussi le personnage qui accueille nos clients sur notre service consommateurs en ligne www.laposte.fr/service-consommateurs.  Nous avions la volonté de signifier d’emblée que notre présence via ce compte s’inscrirait dans un mode de relation personnalisée et proche de nos contacts. @lisalaposte, c’est donc imposé comme une évidence. Nous n’avions cependant pas vraiment totalement anticipé qu’elle pourrait aussi être considéré comme un simple avatar virtuel comme Léa de la SNCF ou Lucie de SFR. Je crois que depuis nous avons fait la démonstration du contraire.

Alexis : Peux-tu nous expliquer ton rôle au sein du Groupe La Poste ? Ta mission se limite-t-elle à Twitter ?

Isabelle : S’agissant des médias sociaux, nous avons bâti une véritable réflexion d’ensemble sur les opportunités et sur les risques aussi.  Car l’idée n’était pas que notre présence sur les médias sociaux se substitue à notre service réclamations. Elle est complémentaire. Nous ne prenons pas directement en charge les réclamations sur Twitter ; nous sommes là pour aider nos clients et les conseiller. Quand nous rencontrons un problème de réclamation nécessitant un dédommagement, nous les orientons vers les bons interlocuteurs. Nous avons dans un premier temps décider de  limiter notre présence à deux plateformes pour assurer un maximum de disponibilité et d’écoute. Facebook parce qu’une marque grand public comme La Poste ne pouvait pas ignorer ce « phénomène » et Twitter parce que nous étions intéressés de rentrer en contact avec les publics technophiles, e-commerçants et e-shoppers qui sont des clients de plus en plus importants avec la montée en puissance de nos activités liées au ecommerce. Mais au-delà des contacts riches que nous avons avec nos clients, Twitter, c’est aussi une formidable plateforme d’informations sur nos environnements.

Alexis : Comment se déroule ta journée type d’un community manager ? Comment t’organises tu ? Quels sont tes prérogatives ?

Isabelle : Depuis un an, je suis aux manettes des comptes réseaux sociaux du groupe La Poste mais je ne consacre pas toute ma journée à cette activité. J’ai aussi en charge le pilotage et le développement d’autres projets sur Internet (portails internet fixe et mobile..). Nous sommes d’ailleurs en train de recruter notre community manager en full time job pour professionnaliser plus encore notre approche du web communautaire. Nous soignons particulièrement notre veille et nous sommes assistés par une agence spécialisée qui nous donne une vision précise de l’e-reputation de l’entreprise au quotidien. Je surveille nos comptes toute la journée ; j’essaie d’être au maximum disponible et de traiter les sollicitations (questions, problèmes…) en temps réel.  Nous avons également mis en place un réseau d’experts réactifs pour nous aider et couvrir le maximum de sujets (courrier, colis, banque, bureaux de poste, RH…).

Alexis : Quels outils sur le web utilises-tu le plus fréquemment ? Sont-ils gratuits ou payants ? Utilises-tu des applications tiers pour Twitter ?

Isabelle : J’utilise les interfaces seesmic et plus particulièrement l’appli iPhone quand je n’ai pas accès à mon PC. Et pour les recherches et la veille, la fonction recherche de Twitter et twitturly. Pour les stats, nous avons testé plusieurs outils mais ceux qui sont les plus adaptés à nos besoins sont twitter counter et tweet stats.

Alexis : Penses-tu qu’il soit nécessaire pour une marque d’investir les médias sociaux et d’avoir un community manager ?

Isabelle : Tout dépend des objectifs que l’on se donne mais les marques ne peuvent plus ignorer aujourd’hui leur e-reputation. Elle joue un rôle clé dans la construction de leur image et de leur notoriété. Et avec 26 millions de Français membres d’un réseau social, on ne peut plus parler d’épiphénomène  ;-). Les marques doivent prendre en compte cette nouvelle donne et remettre en cause leur stratégie Internet pour intégrer cette dimension communautaire. Avant de se lancer sur les réseaux sociaux, l’essentiel est de savoir pourquoi on y va, qu’est ce qu’on est prêt à donner et ce qu’on en attend. On voit trop d’exemples de marques qui ouvrent un compte sur Twitter ou sur Facebook qui ne l’animent pas (contenus, conversations) et ne proposent pas de réelles valeurs ajoutées à leurs utilisateurs… carrément à contre-emploi !

Alexis : Que penses tu apporter au groupe La Poste en tant que community manager ?

Isabelle : Notre entreprise change, se modernise en profondeur et a fait de l’amélioration de sa relation client une de ses priorités. Nos clients fréquentent nos sites internet, nos bureaux de poste mais aussi les réseaux sociaux. Le community manager, c’est en quelque sorte son « porte-parole en ligne ». mais son rôle est aussi déterminant pour la veille et les retours que nous pouvons faire aux directions communication et marketing sur la perception qu’ont nos clients de nos produits et de nos services.

Alexis : Quels sont les difficultés auxquelles tu es confrontée ?

Isabelle : Nous sommes partis l’année dernière avec un capital en matière d’e-reputation assez négatif. Il suffit de naviguer en ligne pour s’en rendre compte. L’opinion de nos clients est assez sévère sur notre qualité de service, notamment pour notre activité Colis et notre réseau de bureaux de poste. Depuis nos efforts de modernisation commencent à porter leurs fruits : le temps d’attente en bureaux de poste a notamment considérablement diminué ; nous avons complètement modifié l’accueil de nos clients et l’organisation de nos services en bureau. Nous nous sommes beaucoup appuyés sur ces avancées pour « porter le changement » via nos comptes de réseaux sociaux et démontrer preuve après preuve, conversation après conversation  qu’au-delà des grands chantiers de modernisation et de développement qu’elle conduisait, notre entreprise avait fait de l’amélioration de sa qualité de service, sa priorité. La deuxième difficulté, c’est évidemment l’exigence de restitution de l’information en temps réel pour les marques. Cette nouvelle donne nécessite une plus grande manoeuvrabilité pour mobiliser les ressources internes et récupérer l’information. Dans un grand groupe comme le nôtre (nous sommes 287 000 tout de même), ce n’est pas toujours facile. Il a fallu convaincre les autres directions de l’intérêt de la démarche et travailler de manière décloisonnée. De manière générale, la pratique des réseaux sociaux vient souvent se heurter à la sacro sainte structure pyramidale des entreprises …

Alexis : Quels sont les qualités et aptitudes à avoir pour être un bon community manager ?

Isabelle : Capacité d’écoute, disponibilité, sens du service et du client, goût pour les contacts et les échanges, bonnes connaissances des environnements numériques et des usages de l’Internet sont autant de qualités importantes pour être un bon community manager. mais il est tout autant indispensable d’avoir une très bonne connaissance de l’entreprise pour laquelle on travaille, de ses projets, de ses produits. Je suis assez d’accord avec les experts pour dire que le bon community manager est forcément déjà au sein de l’ entreprise. Les marques ont tout intérêt à recruter un collaborateur motivé qui dispose de solides connaissances et de bonnes aptitudes de départ et le perfectionner ensuite aux pratiques du community manager. je suis certaine qu’elles y gagnent en efficacité à court terme.

Alexis : Comment vois-tu le futur du rôle de community manager ? et des médias sociaux ?

Isabelle : En installant une dimension contributive et collective, les médias sociaux ont profondément modifié les usages de l’Internet. Les stratégies Internet des marques s’en trouvent bousculées. On est passé d’un modèle top down de mise à disposition de l’information par un émetteur à un modèle où l’internaute n’est plus seulement lecteur mais aussi auteur et où les contenus et la viralité sont démultipliés. Les réseaux sociaux ouvre un nouvel espace de dialogue : une véritable opportunité pour les marques de se rapprocher de leurs clients et pour les entreprises de se comporter en acteur économique responsable ! C’est un challenge qui nécessite qu’elles changent leurs registres et leurs styles de communication en adoptant plus de transparence et en se dégageant de l’approche purement institutionnelle ou commerciale.

Alexis : Quels sont tes blogs préférés ?

Isabelle : Difficile de choisir mais disons que je suis très régulièrement Fred Cavazza, Cédric Deniaud, Fabrice Epelboin, Baptiste Roynette et Jean-Michel Billaut pour les flux d’actu qu’ils mettent à disposition et qu’ils commentent et leurs analyses pertinentes sur les évolutions des environnements numériques.

Alexis : Un petit mot pour la fin ?

Isabelle : J’aime bien citer une phrase issue du Rapport Nielsen de mars 2009 sur l’empreinte mondiale des réseaux sociaux. «  le développement de la popularité des réseaux sociaux et l’audience grandissante qui en résulte n’est qu’une partie de l’histoire. La stupéfiante  croissance du temps consacré par les gens à ces sites change la manière dont ils organisent leurs temps sur Internet et a des ramifications sur la manière dont ils se comportent, partagent et interagissent dans leurs vies quotidiennes » . Nous n’en sommes qu’au début. La géolocalisation et la personnalisation des contenus et des approches vont booster ces nouveaux usages. J’attends la suite avec impatience 😉

Merci pour cet entretien Isabelle !

Facebook
Twitter
LinkedIn
Email